Secrets de Tournages

La céramique de Hagi, ou Hagi Yaki, est principalement une céramique tournée, c'est-à-dire que les pièces en Hagi sont majoritairement réalisées au tour de potier. Certaines pièces sont cependant montées à la main sans tour ou sculptées, et si la majorité des potiers de Hagi fabriquent leurs pièces à l'aide d'un tour, certains on choisi une autre voie, comme Kaneta Masanao par exemple.

Le tour est sans nul doute la technique de façonnage la plus récente en matière de poterie ( même si le terme récent est ici avec, pour l'Asie, des apparitions de la poterie en Chine vers 20 000 avant notre ère ou au Japon vers 15 000 avant notre ère ... le tour, toujours pour l'Asie, faisant son apparition en Chine vers 3000 avant notre ère ). Elle est par contre la plus rapide pour produire une pièce et pour manufacturer la céramique en grande série et il faudra ainsi moins de 5 minutes à un potier pour produire une coupe large.

On pense souvent que seul le tournage est la technique artisanale de la céramique, mais l'utilisation de moules pour façonner des pièces est tout autant artisanale ( le problème étant que, dans l'imaginaire collectif, on confond les pièces montées à partir de divers avec les moules de pièces coulées en une fois à partir de moules de la céramique industrielle ), comme l'utilisation d'outils pour façonner des blocs de glaise par sculpture. De fait, le tournage n'exclut pas l'utilisation de gabarits ou d'outils, comme la spatule ( Hera ), destinés à aider la mise en forme, comme on peut le voir dans la série de photographies ci-dessous ...

Le potier prend donc une des boules de terre préparées à l'avance, la place sur un petit tas de glaise déjà présent sur le tour, met le tour en route ( avec ses pieds ... pas de tour électrique ici ... ) et façonne la forme de base en un tour de main ... les parois montent rapidement et un gabarit aide le potier à contrôler la profondeur et la largeur voulue pour son bol ... une outil de forme en bois aide encore rapidement à aplatir la ligne générale et à former de large bords ... le bref passage d'un fil sous le pied permet de séparer ce qui était encore il y  a peu une boule de glaise du support de terre et il ne reste plus qu'à poser l'ouvrage sur une planche de bois où elle va être mise à sécher en compagnie d'autres pièces ...

... Ne reste plus qu'à finir le pied, qui va généralement être entaillé, puis à mettre l'engobe ... et à cuire ... et naturellement, à mettre en vente ... maintenant ainsi la tradition.

Quelques arrivées plus ou moins récentes

Si Shibuya Deishi reste résolument sur sa ligne, dans la droite ligne du Trésor National Vivant Miwa Kyuwa Kyusetsu X ( 1895 - 1981 ) avec une majorité de formes tournées, dans la plus pure tradition du Hagi Yaki, et quelques formes façonnées, son petit-fils Shibuya Eiichi à fait évoluer ses œuvres dans deux directions.

Photographie © Lixil Gallery

La première est résolument moderne et est tournée vers des céramiques décoratives de taille conséquente. Cette démarche a d'ailleurs été primée en 2012 et une œuvre de Shibuya Eiichi a fait son entrée dans les collections de céramiques contemporaines japonaises du Musée Uragami à Hagi.

La deuxième direction prise par Shibuya Eiichi pour ses céramiques utilitaires semble avoir intégré encore plus avant les techniques transmises par son grand-père tout en essayant de conserver quelques formes de façonnage qui lui sont propres.

Il en ressort un résultat assez harmonieux et très divers qui apporte une certaine fraicheur au style Hagi de la lignée Miwa, ce qui touche enfin ses œuvres développées dans un style qui lui est un peu plus propre, en lignes plus ondulées et en couvertes plus régulières.

Yamane Seigan produit sensiblement les mêmes formes très agréables à la prise en main, tournées puis légèrement déformées par l'empreinte du pouce, mais avec une variété de couvertes qui semble presque infinie et avec des variations au sein du même groupe de couverte ... 

Mais Yamane Seigan semble également se tourner de plus en plus vers des formes façonnées à la main empreintes de plus d'irrégularités et de plus de recherche que ses œuvres courantes ...

Pour finir, Kaneta Masanao semble aussi rester sur son style développé en propre, même si son orientation semble tournée vers les effets issus des modes de cuisson avec ce qui semble être à la fois des expérimentations dans un four Anagama et des expérimentations dans un four à chambre unique.

J'espère que ces quelques acteurs du Hagi Yaki, chacun dans son genre et avec ses visées propres, continueront longtemps à produire leurs merveilles et à faire la vitalité particulière de la céramique de style Hagi.

Hagi. 400 ans de céramique

 

L'ouvrage Hagi. 400 ans de céramique, est le catalogue de l'exposition éponyme organisée du 17 octobre au 9 décembre 2000 par la Maison de la Culture du Japon à Paris. C'est la seule exposition monographique d'envergure qui a été dédiée au Hagi Yaki en France à ce jour ...

Brûle-parfum Hagi Yaki à pivoines et lion, Miwa Kiraku VI, fin époque Edo. Photographie © MCJP / Collection particulière

 

A exposition exceptionnelle, catalogue hors norme qui constitue une vraie mine d'informations pour qui s'intéresse à la céramique de Hagi. Cet ouvrage est donc d'abord une compilation de photographie, comme tout catalogue d'exposition, mais c'est surtout une compilation des connaissances sur la céramique de Hagi au seuil du XXIème siècle, les divers essais étant l'oeuvre de chercheurs japonais, traduits en français.

Vase Hagi Yaki à carpe remontant une cascade, Miwa Kyusetsu VII, fin de l'époque Edo. Photographie © MCJP / Collection particulière

 

Sommaire détaillé de l'ouvrage :

Liste des prêteurs 

Avant-propos de NII Sekinari, Gouverneur de Yamaguchi

Avant-propos de FUJII Hiroaki, Président de la Fondation du Japon

Avant-propos de ISOMURA Hisanori, Président de la Maison de la Culture du Japon à Paris

Avertissement

Sommaire

Les céramiques de Hagi : quatre siècles d'histoire
          Développement historique des céramiques Hagi à l'époque Edo (1603-1868)
                    Les origines des céramiques de Hagi
                    I - L'ouverture du four officiel de Matsumoto (les céramiques de Matsumoto)
                    II - Le début des fours de Fukuwa et de Sonose : les céramiques de Fukuwa
                    III - Céramiques officielles de Matsumoto : le four de Miwa ; l'apparition des fours de Saeki (Hayashi)
                    IV - Les céramiques de Rakuzan dans la province d'Izumo
                    V - Évolutions du four officiel de Matsumoto ; développement des céramiques d'Obata
                    VI - Évolutions du four de Sonose à Fukuwa
          Les céramiques de Hagi. Époques moderne et contemporaine
                    I - La restauration de Meiji et le déclin des céramiques de Hagi à l'époque moderne
                    II - L'essor des céramiques de Hagi d'après-guerre 

Le style des céramiques de Hagi : élaboration et développement
          Chapitre 1 :  La céramique de Hagi à l'époque d'Edo (1603 - 1868)
                    Les Oribe à pied échancré (warikodai)
                    Les Mishima gravés (hori-mishima)
                    Les bols de style Irabo
                    Les bols "d'après modèle" à motif de grue dressée (gohon-tachizuru)
                    Bols de type Goshomaru
                    Le style Oribe dans les bols à thé de Hagi, et son évolution
                    Les coupes de type waridawara (en forme de sac de paille tronqué)
                    Bol et objets décoratifs de style Raku dans la céramique de Hagi
          Chapitre 2 : La céramique de Hagi à l'époque moderne
                    La céramique de Hagi pendant l'ère Meiji (1868-1912)
                    Deux potiers de Hagi dans la tourmente d'une époque difficile
          Chapitre 3 : La céramique de Hagi à l'époque contemporaine
                    La céramique de Hagi et l’Association japonaise des arts décoratifs
                    La céramique de Hagi et le Nitten (Salon du Japon)
                    La part de la création d'avant-garde dans la céramique de Hagi

Catalogue

     - Époque Edo

     - Époque Moderne

     - Époque contemporaine

Les moules de la famille Miwa

Les caractéristiques de la céramique de Hagi

L'organisation des fours officiels

Les céramiques Hagi : matériaux et techniques de fabrication
          1. L'argile
          2. Le filtrage (tamisage)
          3. Le piétinement de l'argile
          4. Le pétrissage
          5. Le façonnage
          6. Le dégourdi
          7. Les glaçures et leur application
          8. Le four
          9. L'enfournement
          10. La cuisson
          La cérémonie de "l'introduction du feu"

Carte des principaux centres de production des céramiques de Hagi et des lieux d'extraction de l'argile

Notices des œuvres 1 à 72

Liste des œuvres

Liste des organisateurs de l'exposition

Récipient à eau froide Hagi en forme de bourse et glaçure "peau de requin", fin de l'époque Edo. Photographie © MCJP / Collection particulière

 

Le catalogue présente 112 œuvres illustrées individuellement par une photographie couleur, 17  photographies de moules et 5 illustrations en noir et blanc répartis dans les essais. Les pièces de l'époque Edo constituent la majorité des œuvres présentées dans le catalogue, avec une majorité de pièces ornementales de la famille Miwa et de multiples chawan des débuts et du mileu de l'ère Edo.

Bol à thé Hagi de couleur rouge et à pied échancré, milieu à fin de l'époque Edo. Photographie © MCJP / Collection particulière

Coupe Hagi en forme de sac de paille tronqué et à motif de croix, début de la période Edo. Photographie © MCJP / Collection particulière

L'époque moderne couvre une partie de l'ère Meiji et ne présente que 8 pièces en tout, cette période semblant être une période de transition qui va voir ses formes évoluer pour entrer dans l'époque contemporaine.

Récipient à eau froide Hagi en forme de chapeau tressé, Miwa Kyuwa, 1973. Photographie © MCJP / Musée des beaux-arts du département de Yamaguchi

L'époque contemporaine présente 40 pièces qui ont été exécutées entre la fin de la seconde guerre mondiale et la fin des années 90 et qui illustrent bien les trois chemins pris par la céramique de Hagi : la continuité avec la céramique du thé antérieure, la céramique ornementale de grande taille et la céramique avant-gardiste et non-fonctionnelle.

Vase Hagi blanc en forme de seau, Miwa Kyusetsu XI, 1965. Photographie © MCJP / Collection particulière

Vase Hagi à facettes et à couverte de cendres, Miwa Eizo, 1986. Photographie © MCJP / Musée Tanabe

Bol à thé Hagi à glaçure blanche de type Yohen, Kaneta Masanao, 1995. Photographie © MCJP / Musée des beaux-arts du département de Yamaguchi

Le vieillissement du Hagi Yaki

Je m'étais, il y a déjà quelques temps, étendu sur les changements de la céramique de Hagi ou Hagi Yaki ... peu de choses nouvelles à en dire, les observations sont toujours faites alors sont toujours bonne, que ce soit sur les terres employées ou les couvertes ... 

 

Je pourrais juste rajouter que les couleurs jouent également un rôle en soulignant plus facilement, ou non, l'effet des tanins qui viennent colorer les craquelures ... Si une couverte blanche fini toujours par se couvrir d'un joli réseau, cela prend du temps, même si cela se fait quel que soit le thé utilisé.

A partir de là, restait à savoir s'il est possible d'accélérer ce phénomène de "vieillissement" pour obtenir "artificiellement" le même phénomène de craquelures ... ce qui confirmerait également les informations sur le changement du Hagi Yaki ... J'ai donc pris le parti d’immerger un vase de Shibuya Deishi dans un bac rempli de thé ... oui, vous avez bien lu, rempli de thé ... Comme il ne s'agit pas de le boire, un thé nature très bas de gamme de supermarché a fait l'affaire, la seule caractéristique retenue en dehors de çà étant qu'il soit le plus foncé possible ...

Une fois le bain près, il suffit de faire tremper le vase et d'attendre ... je vois de petites bulles se former puis disparaître ... je laisse tremper et je ressort l'objet le lendemain ... pas de changement notable de l'aspect général du Hanaire ... après avoir reproduit la même méthode sur trois jours, toujours pas de changement ... il ne suffit donc pas de gorger la pièce de thé ... à priori, échec donc de la tentative de vieillissement du Hagi Yaki ...

Je change donc de technique pour celle décrite dans un billet sur le culottage : trempages courts et successifs dans un bain de thé maintenu au chaud ...

Les mêmes effets se produisent : apparition puis disparition des petites bulles ... lorsqu'il n'y a plus de bulles, je ressort la pièce, la mets à sécher ... puis lui fait reprendre un bain chaud ... au bout de 5 ou 6 bains, l'état de la pièce à clairement changé et les craquelures sont désormais marquées ... à la fin d'une demi-journée, la pièce neuve à le même aspect qu'une pièce utilisée depuis plusieurs mois ...

Le vieillissement accéléré du Hagi Yaki est donc possible, ce qui peut paraître être une connaissance accessoire pour celui qui ne s'intéresse pas particulièrement à la céramique de Hagi mais qui est intéressante pour ceux qui s'intéressent aux moyens de forger des faux dans le domaine de la céramique et de repérer ces moyens ... Par contre, cette petite expérience vient au passage confirmer que le meilleur culottage " de base " se fait par des bains successifs à chaud ...

Le musée de Hagi

Construit en 2004 sur le modèle d'une grande demeure traditionnelle, le musée de Hagi est, comme son nom l’indique, consacré à la ville de Hagi, à sa culture, ses traditions, ses monument et à tout ce qui fait la spécificité de la ville de Hagi.

Bien que la très grande majorité des explications ne soient pas traduits, le musée est conçu de façon a être extrêmement facile d'accès et les grandes lignes de la construction de la ville sont aisément compréhensible à travers les objets présentés et les maquettes de la ville permettent, si l'on veut bien s'en donner la peine, de saisir en un éclair l'organisation socio-spatiale très hiérarchisée de la ville de l'époque Edo, du sommet du mont Shizuki avec le château symbole tangible du pouvoir du Daimyo, puis, en s'éloignant de la proéminence ou la forteresse est juchée, à sa résidence, puis à celles des grands vassaux, puis à celles des vassaux de rang moindre, puis à celles des samouraïs de rang inférieur pour finir par les habitations des paysans et artisans, les activités risquées étant reléguées loin de la ville.

Naturellement, le musée ne se limite pas à l'action du Daimyo Mori Terumoto et du clan Mori et présente également, à travers des objets usuels, des pièces de fouilles et des recréations ou des mises en situation d'objets anciens.

Le musée présente régulièrement des expositions temporaires sur des sujets variés comme la faune et la flore de la région et du Japon ou encore sur divers sujets culturels ou sur les arts populaires. Il est enfin un point de départ intéressant pour visiter la vieille ville de Hagi, musée à ciel ouvert avec ses divers points d'intérêt.

Musée Mémorial Yoshika Taibi

Voici un autre musée de Hagi, le Musée Mémorial Yoshika Taibi, dédié à la céramique ancienne, à la céramique de Hagi en particulier, et est notamment centré sur les œuvres de Yoshika Taibi, que ce soit ses céramiques ou ses œuvres picturales.

Ici aussi, il s'agit d'un musée privé, qui a la particularité d'appartenir a une famille de potiers remontant à l'ère Edo et toujours en activité, dont un membre d'importance fut Yoshika Taibi, récipiendaire du prix de l'Académie japonaise des arts dans la catégorie "Artisanat" en 1971. Situé sur le haut d'un versant de colline, l'entrée du musée est d'ailleurs marqué par un Noborigama toujours utilisé par la famille de potiers.

Le rez-de-chaussée est consacré à la céramique ancienne, notamment de l'époque Edo, et aux pièces de fouilles, à l'exposition d’œuvres picturales de Yoshika Taibi, à la rotation d’œuvres céramiques et à un atelier didactique sur les types de terre et de pigments, des ateliers d'initiation à la poterie étant par ailleurs organisés dans l’enceinte du musée.

L'étage présente, lui, la collection de céramiques anciennes de la famille Yoshika, des oeuvres marquantes de Yoshika Taibi et d'autres de potiers de Hagi.

Sont ainsi présentés des porcelaines anciennes, des objets pour le thé dont des bols, des Kakemono, des objets usuels en céramique et des vases de toutes tailles.

Impressionnant Hibachi en forme de Daruma

Enfin, pièces d'exception, les chawan sont particulièrement bien présentés, et un astucieux jeu de miroirs permet de les admirer sous toutes les coutures.